La classification et les descriptions suivantes proviennent des livres Les saveurs gastronomiques de la bière, Le goût de la bière fermière et Les paradis de la bière blanche, de David Lévesque Gendron et Martin Thibault.
Possédant un bel équilibre de saveurs caramélisées et grillées, c’est une lager qui étale les beautés du malt de type Munich.
Plus riche en sucres résiduels qu’une Märzen, mais moins lourde et chaleureuse qu’une Doppelbock, la Dunkler Bock se veut une bière réconfortante, nourrissante, un pain liquide, quoi. Habituellement offerte à la fin de l’automne ou au début de l’hiver afin de ragaillardir les buveurs attristés par la fermeture des biergartens, voici en quelque sorte une « rousse » généreuse, comme plusieurs Québécois l’entendent.
Des houblons anglais (tels les East Kent Golding et Fuggles) suggèrent des saveurs feuillues équilibrées aux malts légèrement miellés, toastés et caramélisés. Très semblable à la Extra Special Bitter, dites-vous? C’est exactement pourquoi les Britanniques disent que ce type de bière n’en est pas un à part entière!
Ironiquement, cette désignation est davantage utilisée en Amérique qu’en Angleterre, le but étant de donner une explication succincte de ce qui différencie cette bière de la Pale Ale conçue avec des houblons américains aux accents citronnés et résineux. On obtient donc une Pale Ale un peu plus relevée (4,5 % à 6 % d’alcool) que la Bitter anglaise, mais moins parfumée que l’American Pale Ale.
Ses houblons terreux rencontrent des malts doucement caramélisés, dans un corps initialement rond, mais possédant une finale souvent sèche et amère.
Cette version plus forte de la sempiternelle Bitter anglaise est parfois à peu près identique à l’English Pale Ale, l’appellation préférée par les brasseurs nord-américains. Elle occupe un éventail important d’intensité, pouvant osciller entre 4 % et 5 % d’alcool dans le cas de la Best Bitter et de la Premium Bitter, deux termes interchangeables, et de 5 % à 6,5 % dans le cas de l’Extra Special Bitter. Dans tous les cas, l’alliage de malts anglais et de houblons de la même contrée s’étale généreusement sur le palais dès les premières lampées.
Son houblon épicé piquant s’adjoint à des malts grillés et caramélisés, sculptant une version amplifiée de la Altbier chérie des habitants de Düsseldorf.
Son houblon dominant reste poli pour les papilles des Nord-Américains habitués aux puissants cultivars du Nouveau Monde, mais cette Alt « secrète » (« Sticke » en allemand) demeure un sublime exemple des houblons nobles allemands utilisé en très grande quantité, chose rarissime en terre germanique.
Une ou deux fois par année, comme le veut la tradition, les brasseries de Düsseldorf offrent cette version plus forte et surhoublonnée de leur Altbier. Originalement, on ne la révélait pas au menu et elle était ainsi réservée aux clients réguliers de chaque établissement. Aujourd’hui, même s’il ne faut pas être dans le secret des brasseurs afin de savoir quand une Sticke sera servie (des sites Web donnent les dates de mise en marché bien à l’avance), il demeure tout de même difficile de pouvoir se déplacer aux jours fatidiques, à moins bien sûr, de vivre dans les environs.
Zoigl
Des céréales légèrement caramélisées sont équilibrées par une pointe herbacée, gracieuseté des houblons locaux.
Cinq villages du Oberpfalz allemand, une région à l’extrême nord-est de la Bavière, possèdent une brasserie communautaire. Dans chaque bourgade, une poignée de brasseurs s’inscrivent à un calendrier annuel de brassage afin que tous puissent profiter des équipements de façon équitable. Dans tous les cas, ils brassent ce qu’ils appellent une Zoiglbier : une lager à peine ambrée, non filtrée, mettant en vedette un caractère malté un tantinet sucré, développé en partie grâce au feu de bois utilisé pour chauffer la cuve d’empâtage et la bouilloire.
La même notion de partage existe lorsque vient le temps d’établir l’horaire d’ouverture des salons de dégustation respectifs de chaque famille. Le but n’est pas uniquement d’écouler la bière pour ainsi faire un léger profit supplémentaire aux revenus habituels de chacun, l’objectif est également d’entrer en compétition le moins possible avec les autres brasseurs du village. C’est pour cela que chaque zoiglstube – ces bars où l’on sert de la Zoiglbier – n’est ouvert qu’environ 4 jours par mois. De cette façon, tous ont la chance d’être le brasseur vedette quelques soirs aux trente jours.
Lorsque c’est fête dans un de ces pubs, plusieurs familles du village s’y entassent. Du foyer se dégage une chaleur amplifiant celle des gens attablés coude à coude dans les petites salles de la maison ancestrale. Les arômes de jambon salé et de crème de champignons collent aux murs. Enfants comme parents profitent du moment pour se réunir autour d’un repas maison. Et lorsque la soirée est terminée, ces groupes n’auront qu’à chercher la prochaine étoile pendouillant au-dessus d’une porte de zoiglstube. C’est ce marqueur qui leur indiquera chez qui aura lieu la prochaine dégustation de bière communautaire.
Même s’ils sont tout de même bien ancrés dans le monde moderne, ces villages nous rappellent que la bière est bien plus qu’une industrie. Les pintes de Zoiglbier demeurent aujourd’hui sous la barre des deux euros. Ces communautés brassicoles tentent de maintenir une tradition plusieurs fois centenaire en gardant les coûts accessibles pour tous. Parce que ce qui importe pour eux, ce n’est pas d’avoir une entreprise à succès. C’est de partager du bon temps avec ceux qu’ils apprécient.