Blanche délicatement fruitée et épicée

Cette famille regroupe des bières refermant une portion importante de blé dans lesquelles les notes fruitées et épicées sont dominantes, sans toutefois être intenses en bouche.
Les Allemands et les Belges conçoivent des bières très populaires qui répondent à ces critères. Dans le cas des Allemands, les levures et leurs conditions de fermentation sont responsables du caractère saillant. Pour ce qui est des Belges, ce sont les épices et les écorces de fruits qui donnent ces notes omniprésentes.

La classification et les descriptions suivantes proviennent des livres Les saveurs gastronomiques de la bière, Le goût de la bière fermière et Les paradis de la bière blanche, de David Lévesque Gendron et Martin Thibault.

American Wheat

Aussi connue sous les noms de : Bière de blé américaine, Wheat Ale
Dominantes

Un blé craquant est rehaussé par un caractère houblonné, fruité et herbacé, évoluant dans un corps presque sec, rafraîchissant.

À la grande différence des Witbiers et Weizens, la souche de levure habituellement employée dans la confection d’une American Wheat s’avère neutre. Aucun arôme exubérant n’en résulte. La nuance est drôlement importante puisque la souche de levure définit carrément les inspirations belges et allemandes de la bière de blé.

Ceci n’implique toutefois pas que la American Wheat soit invariablement sans caractère. Le premier des deux termes, « American », rime bien souvent avec un houblonnage libéral. Or, il n’est pas rare de retrouver au sein d’American Wheat des parfums bien appuyés découlant d’une souche de houblon riche en myrcène, la composante des huiles essentielles conférant au houblon des arômes fruités et floraux. Une amertume plus imposante vient parfois de pair, mais pas systématiquement. Dans tous les cas, nous avons affaire à une pinte facile à boire, en mode fraîcheur plus qu’en mode complexité. Grands verres et grandes gorgées sont donc avisés.

Kristallweizen

Aussi connue sous le nom de Hefeweissbier Kristallklar
Dominantes

Les esters de bananes se voient juxtaposés à des notes phénoliques rappelant le clou de girofle et la gomme balloune

La Kristallweizen est le pendant filtré de la Weizen, kristall signifiant « clair » en allemand. Il s’agit d’une interprétation relativement rare, habituellement un complément au portfolio de brasseurs proposant déjà une Weizen non filtrée. Jusqu’ici, ce n’est pas un style de bière ayant réellement pris son envol à l’extérieur de l’Allemagne. Il ne faut pas s’en surprendre, la Kristallweizen se justifie surtout par des critères esthétiques, certains consommateurs modernes ayant une préférence pour des bières translucides. Généralement, la filtration permettant de clarifier l’apparence d’une Weizen s’accompagne d’une légère perte de rondeur – la levure en suspension accentuant l’épaisseur de la Weizen – ainsi que d’une discrétion accrue du profil aromatique.

Une des conséquences particulièrement notables de la filtration de la Weizen pour obtenir une Kristallweizen est la perte de l’apparence typique des bières blanches, soit le voile. La Kristallweizen s’apparente davantage à une bière blonde très pâle puisque la filtration élimine la majorité des protéines en suspension. Une traîtresse au menu ? Peut-être, mais les arômes de banane, de gomme balloune et de clou de girofle ne sauront vous tromper, il s’agit bien d’une Weizen

Weizen

Aussi connue sous les noms de : Hefeweizen, Weissbier, German Wheat, Blanche allemande, Hefeweissbier, bière de blé allemande, bière de blé bavaroise
Dominantes

Des esters de bananes et de poires supportent des notes phénoliques de clou de girofle, le tout assis sur une base douillette de blé et propulsé par une effervescence marquée.

La Weizen fait fureur lors des étés bavarois, représentant maintenant jusqu’à 25 % des ventes dans cette région réputée pour sa grande soif. Il s’agit pourtant d’un style souvent sous-apprécié par les amateurs. Typiquement, une Weizen comportera environ 50 %, voire jusqu’à 70 % de blé malté, le reste des grains étant généralement du malt Pilsener, bien que des malts plus foncés ne soient pas hors du commun. Le profil de saveurs est profondément fruité et épicé, l’arôme explosif de la fermentation forme d’ailleurs l’un des bouquets les plus reconnaissables de l’univers de la bière.

Contrairement aux autres blanches délicates, la Weizen possède une texture plutôt ronde, un peu plus pourvue en sucres résiduels, notamment à cause du blé malté en abondance, des levures en suspension enrichissant la texture et d’une souche de levure un peu moins portée sur l’atténuation. La vive effervescence permet toutefois de conserver une impression générale de sécheresse. Les houblons nobles normalement utilisés n’ont ici qu’une fonction d’équilibrage des sucres du malt et ne collaborent pas de façon notable à l’arôme ou à une amertume. Similairement, il semble que pour la Weizen, le profil minéral de l’eau de brassage soit d’une importance somme toute limitée. Dans la mesure où aucune mesure extrême d’ions ne vient menacer les levures, celles-ci sont tellement puissantes que leur caractère se transposera à la bière sans qu’une quelconque optimisation de l’eau s’avère nécessaire. La pratique normale chez la plupart des brasseurs semble donc être d’utiliser la même eau de brassage que pour leurs bières les plus populaires ou d’éviter tout bonnement toute modification à la composition chimique de l’eau.

La grande marque de commerce de la Weizen, son grand trésor devrions-nous dire, tient hors de tout doute au caractère unique de sa souche de levure. Ou ses souches de levure plutôt puisqu’il existe presque autant de souches de levure de Weizen qu’il existe de brasseurs de Weizen. Si un grand nombre de brasseurs modernes utilisent des souches commerciales se voulant clones de marques classiques comme Weihenstephaner (WLP 3000 et Wyeast 3068), au fil des brassins, l’organisme vivant qu’est la levure peut évoluer, muter et éventuellement différer légèrement de ses origines.

Les fragrances typiques oscillent toutefois toujours entre des profils de saveurs similaires, certains traits étant tantôt plus ténus, tantôt plus fougueux. Les descriptifs les plus communs sont la banane, la poire, la vanille, le citron, la gomme balloune, le clou de girofle, la fumée et même le médicament. Eh oui, tous ces arômes découlent des levures idiosyncrasiques propres à la Weizen ! Lors de la fermentation, en plus de générer alcool et gaz carbonique, la levure engendre de nombreux sous-produits qui, comble de bonheur, sont hautement savoureux dans le cas d’une levure à Weizen bien supervisée. Entre autres, la levure produit des esters, ces composés chimiques aux arômes fruités, responsables des notes de banane, de poire et de vanille. La levure à Weizen produit aussi des phénols, des composés chimiques dont le profil aromatique se montre plutôt épicé et fumé. Vous aurez compris que les arômes de clou de girofle, de fumée et de médicament en découlent. L’arôme de gomme balloune peut provenir tant d’esters que de phénols et vraisemblablement d’un amalgame des deux. Fait très intéressant : ces arômes bien particuliers propres aux levures ne résultent jamais d’additions d’ingrédients autres que l’eau, les céréales, le houblon et la levure. Aussi puissant soit l’arôme de banane auquel vous faites face, ni sirop, ni purée, ni fruit entier n’a été ajouté.

Parmi ces arômes possibles, ceux de banane et de clou de girofle sont les plus répandus et on dira souvent d’une souche de levure à Weizen qu’elle porte particulièrement sur les esters, ou plutôt sur les phénols, selon que l’on perçoive dans le produit fini davantage de banane (le composé acétate d’isoamyle) ou de clou de girofle (le composé 4-vinylegaïacol).

Il est intéressant ici de préciser que la concentration d’esters et de phénols dans une bière est loin de dépendre uniquement de la souche de levure, bien que celle-ci ait une influence très importante. Des études indiquent que des facteurs comme le type de fermenteur, la température de l’empâtage ont aussi une conséquence. On s’attend par exemple à ce que des fermenteurs permettant davantage d’aération comme des fermenteurs ouverts provoquent une présence accrue de phénols, tout comme d’esters d’ailleurs. De même, il semble qu’une température d’empâtage autour de 45 °C, même si ce n’est qu’une étape lors d’un régime d’empâtage, soit optimale pour la production de phénols. Les fermenteurs horizontaux produiraient davantage de phénols et d’esters que ceux qui sont verticaux ou cylindro-coniques. En revanche, si les fermenteurs verticaux semblent préférables aux cylindro-coniques pour la production d’esters, l’impact serait négligeable pour les phénols. De même, la température de fermentation a une influence importante sur la concentration des esters, ceux-ci se retrouvant en plus grande quantité dans le produit fini lorsque la température de fermentation est plus haute, celle-ci jouant souvent autour de 25 °C dans le cas des Weizens, plutôt que les 20 °C habituels des levures d’ales, soit les saccharomyces.

Pour le brasseur maison habitué à développer sa propre culture de levure à partir de fonds de bouteilles, le monde des Weizen s'avère frustrant. En effet, contrairement aux producteurs de Lambics ou de Saisons de ce monde – dont les caractères de levure peuvent se révéler très désirables – plusieurs brasseurs de Weizens ne refermentent pas leurs produits en bouteille avec la souche de levure à Weizen utilisée en brasserie. Ils emploieront plutôt une souche de lager générique.

Witbier

Aussi connue sous les noms de : Blanche de type belge, bière de blé belge, Wit, Belgian White
Dominantes

Un parfum de coriandre et de zeste d’orange s’élève au-dessus des saveurs de blé ; un tout soutenu par une gazéification piquante.

Le dicton veut que les vainqueurs écrivent l’histoire. Or, dans le cas de la Witbier, un style essentiellement éteint il n’y a que quelques décennies, un certain Pierre Celis, ayant ravivé le style en relançant la marque Hoegaarden, a été le dernier véritable vainqueur du royaume de la Witbier. Il appert que sa Hoegaarden a constitué le modèle de Witbier auquel toute nouvelle Witbier devait se comparer. Cependant, eut-il choisi une interprétation un brin différente de ce style autrefois bien répandu en Belgique, nous ferions possiblement aujourd’hui face à un spectre de flaveurs complètement transformé. Plusieurs écrits font effectivement état de Witbiers de l’ère avant Celis qui étaient très sèches, bien acidulées et pas nécessairement épicées. Trois variantes existaient apparemment au XIXe siècle : la Blanche de Louvain, la Blanche d’Hoegaarden et la Blanche de Peeterman. Il semble que la Blanche de Louvain devait être bue particulièrement fraîche pour éviter que ne prenne trop de place la contamination bactérienne qui l’habitait plus ou moins systématiquement. La Blanche de Peeterman aurait, de son côté, souvent contenu des grains plus foncés et davantage de sucres résiduels. Finalement, et ironiquement, lorsque l’on considère l’identité de la Hoegaarden moderne, la Blanche d’Hoegaarden aurait été le membre le plus hétéroclite et sauvage du trio. Cette dernière aurait contenu moins de blé et souvent de l’avoine en plus grande quantité alors que les outils employés lors de son élaboration étaient essentiellement de bois, rien pour empêcher la propagation d’agents de fermentation sauvages, surtout que la méthode de refroidissement du moût dans des koelschip de bois, mieux connue pour l’inoculation du moût des lambics de ce monde, était commune. Les similitudes avec le lambic devaient être multiples. L’ajout d’épices définissant la Witbier moderne n’est pas mentionné.

Comme pour la plupart des bières d’inspiration belge, il est bien difficile de circonscrire la Witbier à quelques phrases génériques. Si la recette la plus répandue intègre coriandre et écorce d’orange, de nombreuses exceptions empruntent des voies plus originales. Votre Witbier pourrait contenir, bien que de façon moins fréquente: gingembre, camomille, sauge, poivres, thym, marjolaine, estragon, anis, cannelle, cumin, graine de paradis, clou de girofle, basilic, menthe, lavande, romarin, muscade, thés, vanille ou encore moult autres additifs au gré de l’inspiration du brasseur. Inévitablement, ces interprétations, même si généralement limitées à un, deux ou trois des éléments les plus communs de l’énumération ci-dessus, auront un impact sur le profil de saveurs final d’une Witbier. Il demeure néanmoins très habituel de faire face à une Witbier contenant quelques aromates, mais dont on n’arrive pas nécessairement à identifier les composantes individuelles ; on ressent simplement une impression générale épicée. C’est souvent là l’objectif même de plusieurs brasseurs : que les épices ajoutent une complexité et un trait distinctif à la Witbier sans pour autant en dominer le profil organoleptique.

Similairement à la Weizen toutefois, la Witbier tire beaucoup de son caractère de sa fermentation, laquelle tend à atténuer le moût davantage, ce qui nous met entre les mains une bière plus mince, plus sèche (puisque près de 50% de la facture céréalière est constituée de blé cru). La levure d’Hoegaarden (Wyeast 3984 et WLP 400) conférerait, semble-t-il, le caractère moderne propre à la Witbier. Occasionnellement toutefois, une part d’avoine allant jusqu’à 10 % du total des céréales est utilisée et contribue alors à une certaine rondeur huilée et crémeuse. Dans la plupart des cas, et ce caractère est accru par la fréquente addition d’écorce d’orange et de coriandre, la levure amplifie les traits d’agrumes et confère sans détour un environnement citronné tout à fait complémentaire aux adjuvants.

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