Liquoreuse et richement carmélisée

Les bières puissantes de cette section constituent plusieurs des meilleures excursions du monde de la bière dans le domaine du digestif. Réconfortantes bières à siroter en fin de soirée, elles réchauffent l’âme à l’aide de leurs saveurs d’une suave complexité sucrée et d’un filet d’alcool bien disposé. La majorité des termes mentionnés font fi d’une couleur bien précise, mais tendent plutôt à exprimer leur complexité par des accents de fruits confits, parfois même vineux.

La classification et les descriptions suivantes proviennent des livres Les saveurs gastronomiques de la bière, Le goût de la bière fermière et Les paradis de la bière blanche, de David Lévesque Gendron et Martin Thibault.

Barley Wine

Aussi connue sous les noms de : Vin d'orge, Barley Wine américain, Barley Wine anglais, English Barley Wine, American Barley Wine
Dominantes

Un luxuriant malt aux accents de caramel se lie à un taux d’alcool surpassant parfois les 10 %; le houblon procure une amertume plus ou moins mordante qui tente d’équilibrer le tout sans y parvenir systématiquement.

Particularités

On ajoute souvent les épithètes « américain » ou « anglais » au nom de Barley Wine. « Américain » est utilisé pour souligner un houblonnage à l’américaine, c’est-à-dire à base de cultivars originaires des États-Unis reconnus pour leurs arômes pénétrants d’agrumes, de fleurs et de conifères. Les houblons d’origine anglaise affichent plus de retenue et tablent sur des notes épicées, boisées et feuillues.

Outre l’origine des cultivars, on note aussi une différence quant à la quantité utilisée dans le Barley Wine américain qui est nettement supérieure à celle du Barley Wine anglais, ce qui entraîne un arôme de houblon beaucoup plus prononcé ainsi qu’en une amertume nettement plus puissante. Dans le Barley Wine américain, le malt est certes généreux, mais paraît souvent plus sec, plus mince par la seule force de caractère du houblon qui le domine couramment. Le Barley Wine anglais est plutôt un concerto de malt où le houblon sert surtout à contrebalancer d’une saine amertume la perception sucrée marquée.

 

Doppelbock

Aussi connue sous le nom de : Double Bock
Dominantes

Le malt Munich domine cette lager forte en alcool et en sucres résiduels du début à la fin, alternant entre les notes de pain fraîchement sorti du four et celles de noisettes grillées sans oublier la confiture de prunes et le caramel.

Particularités

À peine moins liquoreuse que les autres bières de cette famille, la Doppelbock, littéralement « Double Bock », est une version encore plus relevée de la Bock. Le houblon demeure relativement subtil, ce qui rend les sucres plus évidents que leur concentration réelle ne le justifie.

La Doppelbock, d’origine monastique, est d’abord apparue à Munich, considérée alors comme véritable pain liquide par les moines de St. Francis.

De nombreux exemples, en Allemagne et ailleurs, utilisent le suffixe « ator » en hommage à la pionnière Salvator de la brasserie Paulaner.

Eisbock

Aussi connue sous le nom de : Ice Bock
Dominantes

Un malt Munich dense à prépondérances sucrées de caramel et de fruits séchés se laisse amadouer par une chaleur d’alcool bien perceptible.

Particularités

L’Eisbock, une bière relativement rare, est carrément une Doppelbock qui a été congelée afin de retirer une partie de son eau, laquelle gèle à une température inférieure aux sucres et alcools. Une fois une partie de l’eau (glace) enlevée, on refait fondre le liquide et on obtient une potion plus puissante, plus concentrée qu’à l’origine.

Il va sans dire que la procédure de la concentration par congélation peut être utilisée pour d’autres types de bières. L’Eisbock a toutefois été la première application commercialisée. Au cours des dernières années, certaines brasseries ont réalisé des bières expérimentales gelées, par exemple une Imperial Stout ou encore une Scotch Ale, des bières tablant déjà sur une concentration de flaveurs importante. Ces expérimentations porteront souvent un adjectif révélateur de la technique comme « gelée », « Eisbock-style », « Eis » ou encore « Ice »… À ne pas confondre avec les « Ice » des brasseries industrielles qui font plutôt référence à la température suggérée pour minimiser les saveurs!

English Strong Ale

Aussi connue sous le nom de : Winter Warmer

Variantes d’un Barley Wine anglais, moins puissantes et liquoreuses, mais tout de même riches et plus fortes en alcool qu’une Extra Special Bitter, les bières désignées « English Strong Ale » se veulent réconfortantes. Ironiquement, ce terme est plus populaire en Amérique du Nord qu’au Royaume-Uni; on l’utilise afin de distinguer les bières fortes construites à partir d’ingrédients britanniques de celles issues du terroir de la côte ouest américaine. Souvent mises en marché pour la saison hivernale, ces bières fortes à l’anglaise présentent un profil malté très généreux qui tend à dominer le caractère des houblons britanniques. Le terme ne restreint jamais la créativité d’un brasseur et on peut donc s’attendre à une palette de malts (et de couleurs) très variables. Au Québec, la brasserie Albion de Joliette brasse quelques bières qui répondraient bien à cette appellation, dont la X Ale. En Angleterre, la Moonraker de J.W. Lees, la Critical Mass de Dark Star et la Oblivion de Oakham sont des bières qu’un Nord-Américain n’hésiterait pas à appeler « English Strong Ale ».

Imperial Brown Ale

La tendance de certaines microbrasseries à produire des bières ayant de plus en plus d’impact gustatif a conduit tout droit vers « l’impérialisation » de nombreux styles classiques. La Brown Ale s’avère victime de cette vague de plus en plus souvent. L’Imperial Brown Ale est donc une bière brune aux touches rôties notables, mais dont les dominantes jouent davantage sur les axes des sucres caramélisés et les noisettes. L’Imperial Brown Ale se montre ainsi avant tout un festival de malt. Cependant, selon la brasserie, le houblon peut aussi occuper un espace plus ou moins à l’avant-plan, certains exemples dégageant de forts arômes de pamplemousse et de résine typique des cultivars américains utilisés en abondance. Des exemples intéressants au Québec sont la Imperial American Brown Ale (IABA) de Siboire et la Grande Armada Réserve de Benelux tandis qu’à l’étranger, la Imperial Brown Goose de Goose Island (Illinois, É.-U.), la Imperial Nut Brown Ale de Tommyknocker (Colorado, É.-U.) et la Imperial Brown de Nøgne Ø (Norvège) constituent des interprétations dignes de mention.

Old Ale

Dominantes

Profonds et nuancés, les malts jouent dans les créneaux du caramel et du chocolat alors qu’une levure aux esters fruités apporte une touche vineuse rappelant les raisins secs.

Particularités

Voici un type de bière dont les frontières se montrent particulièrement floues. Pour certains, « Old Ale » est synonyme de « English Strong Ale », avec la nuance possible de l’utilisation de malts plus foncés. Pour d’autres, c’est un Barley Wine anglais d’une intensité modérée.

Même dans son pays d’origine, l’Old Ale ratisse large : des houblons légèrement épicés peuvent y jouer un rôle plus ou moins important, des notes d’oxydation apportent parfois des subtilités terreuses, de pomme mûre ou encore de liège, une acidité digne des Brunes des Flandres ajoute occasionnellement volontairement une complexité évidente.

En Amérique du Nord, on se limite la plupart du temps à une bière liquoreuse et délicatement fruitée, entre 6 % et 9 % d’alcool, orientée vers des flaveurs de malts de spécialité.

Scotch Ale

Aussi connues sous les noms de : Wee Heavy, 90/100+ Shilling
Dominantes

Un caramel liquide sur lequel s’étale un coulis de fruits confits rehaussé d’une pointe d’alcool bien sentie.

Particularités

Ironiquement, le terme Scotch Ale est plus utilisé en Amérique du Nord qu’en Écosse où il existe bien peu d’interprétations. En pratique, il s’agit d’une appellation nord-américaine pour un Barley Wine particulièrement malté et modérément corsé (7 % à 10 % d’alcool).

Contrairement à la croyance populaire, les Scotch Ales contenant du malt fumé à la tourbe comme celui des whiskies écossais de jadis sont relativement rares.

Sa teneur en alcool et l’importante quantité de sucres résiduels confèrent à la Scotch Ale un potentiel de vieillissement notable. Les notes d’oxydation se marient admirablement aux malts caramélisés ainsi qu’au corps rond et sensuel.

Triple Bock

La mode de « l’impérialisation » des styles a rapidement cerné l’opportunité de pousser le concept de Doppelbock plus loin. Sans surprise, c’est plutôt aux États-Unis qu’en Allemagne que le terme « Triple Bock » est apparu pour la première fois. Ces lagers extra fortes pourraient tout aussi bien porter le nom Doppelbock, mais se montrent plus puissantes (habituellement plus de 10 %) que la Doppelbock traditionnelle. À quand une Quadruple Bock?

Wheat Wine

Aussi connue sous le nom de Vin de blé
Dominantes

Un luxuriant malt aux accents de caramel se lie à un taux d’alcool surpassant parfois les 10 % ; le houblon procure une amertume plus ou moins mordante qui tente d’équilibrer le tout sans y parvenir systématiquement.

Si le Wheat Wine contient parfois une proportion importante de blé, le profil de saveurs n’en est pas trop affecté. Cette création qu’on attribue à Phil Moeller de Rubicon Brewing à Sacramento, en Californie, résulterait d’une erreur de brassage commise en 1988 qui aurait rendu une bière beaucoup plus forte que ce qui était visé au départ. En bouche, l’intensité des saveurs d’une bière bâtie autour de malts très riches, d’une levure abondamment fruitée et de houblons souvent généreux rend parfois difficile de saisir les subtiles nuances que la présence de blé peut insuffler. On pense à une délicatesse soyeuse, notamment. Les nuances de pain frais passent toutefois habituellement inaperçues.

 

Ainsi donc, les distinctions entre un Wheat Wine et un Barley Wine sont minces. Ceci dit, le Wheat Wine n’a toutefois pas le monopole de la bière de blé forte. Qu’est-ce qui le distingue, par exemple, d’une Weizenbock ? Dans les deux cas, la densité initiale élevée accentue la production d’esters fruités lors de la fermentation. Cependant, la Weizenbock tire davantage de son caractère de sa levure, notamment des composés phénoliques aux notes épicées de clou de girofle. Le Wheat Wine misera plutôt sur une levure anglaise fruitée ou occasionnellement une levure américaine plus neutre et laissant donc davantage de place aux malts et aux houblons. Ces derniers sont d’ailleurs souvent un point distinctif du Wheat Wine, plus amer et long en finale par rapport aux Weizenbocks et autres bières de blé sur stéroïdes. De leur côté, les sucres s’avèrent habituellement plus volubiles, plus gras, conférant au Wheat Wine un aspect liquoreux absent des équilibristes Weizenbocks.

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