Type de bières

Rousse ou brune fruitée et sure

Si la couleur des certaines bières provient de l’alliage des malts, d’autres tirent leur teinte rosâtre ou vermeille directement des fruits qui sont utilisés dans leur élaboration et constituent un pan important de leur profil gustatif. Toutes possèdent toutefois une acidité rafraîchissante, souvent digne du vin rouge, notamment grâce à l’action de bactéries acidifiantes, à la manière d’un yogourt.

La classification et les descriptions suivantes proviennent des livres Les saveurs gastronomiques de la bière, Le goût de la bière fermière et Les paradis de la bière blanche, de David Lévesque Gendron et Martin Thibault.

Brune des Flandres

Aussi connue sous les noms de Oud Bruin, Flanders Brown Ale, Vieille Brune
Dominantes

Quelques sucres caramélisées soulèvent des prunes et des raisins noirs sertis de subtilités balsamiques et de minéralité quasi-poussiéreuse.

Plus sucrée que sa cousine, la Rouge des Flandres, et ne séjournant plus nécessairement dans le bois, la Brune des Flandres réussit tout de même à plaire aux amateurs de rusticité grâce à son fruité acidulé unique. Une seule gorgée de la Goudenband, de la brasserie belge Liefmans, dressera ce portrait terreux et fruité faisant directement appel à nos souvenirs campagnards, en train de déterrer des artéfacts d’une autre époque appartenant à Grand-Papa. Mais même cette réputée Goudenband a été altérée dans les dernières décennies, adoucissant une partie de ce qui faisait d’elle une Oud Bruin traditionnelle.

 

L’assemblage que demandait autrefois la Brune des Flandres, combinant bières vieillies et acidulées à des bières fraîches et délicatement caramélisées, est démontré habilement dans le portfolio moderne d’Omer Vander Ghinste. Un des rares brasseurs en Belgique à vouloir perpétuer cette tradition, il nous permet avec sa Oud Bruin éponyme de revivre un profil gustatif qui était bien plus commun dans l’ouest de la Belgique avant l’arrivée massive sur le marché des industriels poussant leurs lagers blondes.

Chicha Quechua

Le Lambic de l’Amérique du Sud
Synonymes

Chicha cochabambina, chicha des Incas

Dominantes

Une acidité fruitée et lactique modérée constitue la carte de visite de la Chicha traditionnelle des Quechuas. Évoluant dans un corps à peine gazéifié et presque farineux, le maïs blanc se laisse ensevelir de ce fruité fort rafraîchissant malgré sa rusticité évidente.

Protecteur des traditions incas, le peuple Quechua de la Bolivie, du Pérou et de l’Équateur d’aujourd’hui produit toujours cette bière de maïs de façon à honorer ses racines. Le terme « chicha » est utilisé à toutes les sauces en Amérique latine, mais ce n’est pas toute chicha qui est la bière descendant des Incas. Surtout disponible dans la région de Cochabamba en Bolivie, d’Otavalo en Équateur et de Cuzco au Pérou, cette bière pourrait de toute évidence être qualifiée de la « blanche » de cette région. Non filtrée, non pasteurisée, très protéinée, elle possède le voile caractéristique aux bières blanches de la vieille Europe tout en partageant des saveurs délicatement fruitées. Ses nuances ne sont pas épicées, contrairement aux Witbier et Weissbier, mais plutôt acidulées et lactiques, comme la Berliner Weisse, et très peu gazéifiées, comme le Lambic non assemblé du Pajottenland belge.

On la boit dans une grande quantité de pubs, appelés chicherias, qui nous l’offrent en pichet ou en petits bols faits de la cosse d’un gros fruit séché. Cette bière domine complètement les habitudes de consommation alcoolisée des locaux dans les régions où elle est conçue, encore plus que toute autre bière présentée dans cet ouvrage. Carrément un phénomène culturel, elle anime discussions et passions, tout comme elle sait accompagner les repas classiques de l’endroit.

Cependant, cet engouement local intarissable vient avec son lot d’obstacles. Même dans les régions où vivent des Quechuas soucieux de leurs traditions, des entrepreneurs plus profiteurs vendent de la Chicha à laquelle soit de l’alcool presque pur est rajouté, soit du sucre brun remplace le maïs blanc afin d’économiser sur les coûts. Comme la Chicha traditionnelle est conçue dans des régions du monde où la publicité et les marques de commerce ne font pas partie intégrante de la vie, il devient difficile pour un étranger d’identifier une chicheria qui sert de la Chicha en bonne et due forme. Toutes ces bières s’appellent simplement « chicha » et, à moins de boire directement chez le brasseur, les chicherias n’annoncent pas de qui leur meilleur vendeur provient. Cette méthode rustique explique en partie pourquoi le monde occidental n’a toujours pas entièrement compris que la Chicha Quechua, lorsque faite selon les règles de l’art, est bel et bien une bière, au même titre que ses comparses Berliner Weisse et Lambic. Après tout, son maïs blanc est malté, l’empâtage a tout d’une décoction (une technique très utilisée encore aujourd’hui dans les peuples germaniques et en République tchèque) et sa fermentation lactique rappelle directement celle de nombreuses bières sures produites en Amérique du Nord aujourd’hui. Malgré cela, nous attendons toujours que le style puisse éclore sur les diverses ardoises des brasseries artisanales du continent.

Faro

Dominantes

Un fruité citronné supporte des flaveurs sucrées, voire caramélisées, et animales, menant vers une finale acidulée.

Particularités

Le Faro est un Lambic coupé avec du sucre; son profil citronné découle des bactéries acidifiantes présentes lors de la fermentation du Lambic. Voici un des rares types de bière que les Nord-Américains n’ont pas adopté. Il reste encore plusieurs exemples dans le Pajottenland belge, mais il est inutile de partir à sa découverte hors de ladite région.

Glühkriek

Cousine des glühweins, ces vins chauds épicés souvent servis dans le temps des fêtes sur les nombreuses places publiques d’Europe, la Glühkriek met en valeur des épices très aromatiques, avant de laisser la place aux griottes et à leur portée acidulée. C’est une créature rare aujourd’hui, même dans ce Nouveau Monde avide de bières savoureuses comme étranges.

Kriek

La cerise sur un gâteau de Lambic
Dominantes

Des griottes bien juteuses jaillissent d’un profil autrement terreux, insufflant une acidité certaine à un corps aussi vif que douillet.

Originalement un produit du Pajottenland belge, mais maintenant émulée de l’Oregon à la Russie, la Kriek ravit autant les amateurs de Lambic que ceux aimant un fruit acide vibrant de fraîcheur. Toutefois, la dénomination se veut très inclusive, ce qui peut surprendre plusieurs dégustateurs croyant obtenir un profil spécifique en achetant une bouteille. En effet, alors que certaines versions penchent vers l’acidité et la sécheresse, comme celles de Cantillon, 3 Fonteinen et Hanssens, d’autres ressemblent plutôt à un dessert sucré ; les St-Louis, Mort Subite et Belle-Vue bénéficient effectivement d’un ajout de sucre après la fermentation et ne sont pas conçues à partir de griottes entières, mais plutôt de jus concentrés. La maturation de ces dernières n’a pas lieu dans des barriques de chêne, à l’instar des plus authentiques mentionnées précédemment.

 

Cette dichotomie nous rappelle que l’univers de la bière ne ressemble que très peu à celui du vin. Les appellations d’origine contrôlée y sont quasi inexistantes, amenant chaque terme à être étiré dans un sens et dans l’autre. Dans le cas de la Kriek, on se promène de la ceriseraie gorgée de fruits mûrs… à la bonbonnière et ses essences artificielles.

Rouge des Flandres

Aussi connue sous les noms de Flanders Red, Vlaamse Rood
Dominantes

Des notes de griottes, de terre et de bois penchent vers l’acidité et les tannins d’un vin rouge vif.

À ne pas confondre avec les Brunes des Flandres, cette bière bourgogne régale les amateurs d’acidité depuis plus de deux siècles en Flandres occidentale belge. Sa complexité indéniable provient surtout de sa fermentation mixte (levures saccharomyces et brettanomyces) et de son mûrissement dans des foudres de chêne pendant plus d’un an. Ces foudres contiennent d’ailleurs la flore bactérienne nécessaire à l’acidification de la bière. Ensuite, un assemblage de bière jeune (plus sucrée) et vieillie (plus acide) est effectué, question d’obtenir constance et stabilité. L’acidité acétique en fin de gorgée rappelle celle d’une goutte de bon vinaigre balsamique sur une huile.

 

Malgré la grande réputation de la Rodenbach Grand Cru, véritable symbole du style à l’international, très peu de brasseries du Nouveau Monde se sont lancés dans l’aventure de cette bière bourgogne. Son long processus de vieillissement en est pour beaucoup. Il est beaucoup plus simple pour une jeune microbrasserie de combler les amateurs avec des bières sures complétées rapidement avec l’ajout de bactéries acidifiantes dans la bouilloire. Les brasseries ayant offert leur interprétation du style sont celles armés d’un chai impressionnant et d’un portfolio commercial profitable ; la brasserie New Belgium, au Colorado, vient en tête de liste avec leur succès du nom de « La Folie ».

N’OUBLIE PAS QUE LA MODÉRATION A BIEN MEILLEUR GOÛT !
VISITE ÉDUC’ALCOOL
crossmenuchevron-down linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram