Céréales

DES CÉRÉALES DE CHOIX

Les céréales sont à la bière ce que le raisin est au vin : source de sucres fermentescibles et de caractère. Les meilleures contiennent une importante proportion d’amidon, lequel est la principale source de sucre qui permet à la levure d’accomplir ses formidables miracles. L’orge est évidemment la principale céréale du lot. Cette incontestable domination découle de plusieurs facteurs. En somme, c’est pour son contenu : l’orge contient une quantité importante de sucres fermentescibles ainsi que des enzymes dont le travail devient possible à la simple exposition à l’eau chaude. Cependant, c’est aussi pour son contenant : la coquille de l’orge, une fois le malt concassé, sert de filtre au fond de la cuve de saccharification et retient les grains usés.

Le brasseur doit théoriquement choisir entre deux types d’orge : à deux rangs ou à six rangs, selon le nombre de rangs de grains poussant sur la tige de la plante. L’orge à six rangs contient davantage de protéines et affiche une moindre constance. Elle tend aussi à contenir un surplus d’enzymes. Ce sont surtout les brasseurs commerciaux, utilisant d’autres céréales comme le riz et le maïs, lesquels ne contiennent pas le pouvoir enzymatique de l’orge, qui l’utilisent.

En pratique, outre pour quelques recettes, peu de brasseurs vont avoir de l’orge à l’état brut en main dans le cadre de la fabrication de leur bière. Sauf quelques exceptions, ils s’approvisionnent plutôt auprès des malteries, une industrie distincte depuis longtemps. Celles-ci auront déjà complété l’étape essentielle du maltage. À la grande différence du raisin dans les grands vins, le malt est vendu de façon plutôt industrielle, au poids, à la manière d’autres ressources naturelles ou commodités comme les métaux, le sucre ou le sel. (...)

 

Les couleurs du malt

L’amalgame des grains entrant dans la composition d’une bière détermine sa couleur finale, sa robe si vous préférez vous montrer poétique. Les grains en question peuvent aller du jaune paille le plus pâle au noir ébène. On devinera que plus le grain a été chauffé à haute température durant le touraillage, plus il sera foncé, et conséquence directe, acide.

Deux échelles de mesure existent pour qualifier la couleur du grain : les unités EBC de l’European Brewery Convention et les degrés Lovibond, d’origine américaine. Simplement, une unité EBC équivaut à 1,97 degré Lovibond. Les malts dits de base affichent généralement entre 2 et 15 degrés Lovibond. Les malts plus roux et brunâtres oscillent plutôt entre 15 et 200. Au-delà de 200, le grain est pratiquement noir. Certains grains extrêmement torréfiés, mais non rarissimes, atteignent les 600 degrés. (...)

Un élément important à mettre de l’avant est assurément que des bières très différentes au goût peuvent avoir des couleurs très rapprochées. La couleur n’est pas garante des saveurs, l’inverse non plus d’ailleurs. Ceci est d’autant plus vrai que toutes les nuances ambrées ou cuivrées peuvent s’obtenir à l’aide d’une infinité de combinaisons différentes qu’on pense à beaucoup de malt très pâle avec une faible touche de malt très foncé ou carrément uniquement du malt de la couleur recherchée. Or, les profils de saveur seront incomparables dans les deux cas. Pensez-y avant de commander une « rousse »!

 

Les variétés de malt

Pour parler davantage des traits distinctifs des différents malts, il faut comprendre que tous les types de malt proviennent du même grain. Universelle l’orge, vous dites? La nuance tient à ce que le grain est malté différemment.

Plus précisément, l’étape du touraillage diffère grandement d’un type de malt à un autre. Le touraillage consiste à insuffler des courants d’air chaud au travers du malt vert qui est constamment retourné pour assurer une exposition uniforme à la chaleur. (...)

L’intensité de la surchauffe et sa température déterminent le profil de saveurs du malt ainsi que sa couleur, laquelle sera ultimement convoyée à la bière. Cette cuisson qui colore le grain est en fait une forme de caramélisation, soit une décomposition thermique des sucres qui produira au final des flaveurs comme la tire, la mélasse, le caramel et le raisin sec. Un phénomène chimique analogue ayant lieu en parallèle lors du touraillage est la réaction de Maillard. Celle-ci résulte de l’interaction d’un acide aminé et d’un sucre. C’est de cette réaction que proviennent les mélanoïdines, lesquelles se traduisent par les saveurs « brunes de cuisson » une fois dans la bière, comme le biscuit et le toast. (...)

Revenons à nos céréales. Celles-ci sont généralement réparties en deux grandes classes : les malts de base et les malts de spécialité. Dans la plupart des recettes, les premiers représentent facilement 90 % des grains utilisés, voire souvent 100 %. Ces malts de base sont en quelque sorte plus près de l’orge brute; ils ont été moins modifiés durant le touraillage. Leur surchauffe limitée leur a conféré peu des saveurs identifiées précédemment qui découlent d’une caramélisation. Certains de ces malts sont toutefois considérés comme toastés. Même s’ils ne représentent pas la totalité des grains d’un brassin, presque tous les sucres fermentescibles du moût proviennent des malts de base. Un malt de spécialité extrêmement rôti contient comparativement nettement moins de sucre. Il n’aurait pas besoin de passer par l’étape de la saccharification, étant déjà prêt à conférer ses flaveurs à la bière. Les malts de spécialité ont été modifiés davantage par des traitements visant à leur insuffler des caractéristiques bien précises. Des dizaines de variétés sont commercialisées et nous n’étudierons que les principales. Pour plusieurs de ces variétés, il faut comprendre qu’il en existerait théoriquement quelques autres puisque les malts de spécialité peuvent encore être subdivisés en catégories. Nous distinguerons les malts de type crystal, les malts fumés et les malts rôtis. (...)

Les malts fumés, de leur côté, sont simplement… fumés. Théoriquement, les brasseurs maison peuvent réaliser l’opération sur leur gril. Pour une brasserie commerciale, un fumoir facilite la tâche. En plus du malt, il suffit de sélectionner et d’ajouter quelques copeaux de bois sur le grill afin qu’ils communiquent leur arôme au grain. Ce qui est le plus agréable dans l’histoire, c’est que le processus sent bon! Plusieurs malteries commercialisent toutefois des malts déjà fumés et probablement de compositions plus constantes que ceux qu’on élabore artisanalement. Dans ce monde de malts fumés, le potentiel d’exploration sensoriel est encore une fois très vaste. En effet, les combinaisons sont nombreuses entre les différents types de malt qui peuvent être fumés et les différents types de bois qui peuvent être utilisés pour la besogne. Le plus répandu est le bois de hêtre, celui qui donne le réputé malt de Bamberg, de la ville bavaroise renommée pour ses fines lagers fumées. Il confère des saveurs fumées bien boisées, sèches et élégantes. (...)Outre le bois, le malt fumé à la tourbe est aussi répandu. La méthode est évidemment empruntée aux grands scotchs, d’où l’association fréquente, bien que peu justifiée entre fumée et Scotch Ale. (...)

 

Les autres céréales

Bien que le malt domine les autres céréales comme ingrédient dans la bière, il ne faut pas croire pour autant qu’il constitue la seule option. La bière est un pays dont les frontières restent ouvertes. En combinaison avec le malt, plusieurs brasseurs utilisent au besoin une importante quantité d’autres grains. Sans aucun doute, le blé trône au-dessus de la liste de ces compléments. Dans les recettes classiques de certains styles qui recherchent son caractère particulier, le blé représente entre 50 % et 70 % des grains utilisés. Toutefois, comme la plupart des grains qui ne proviennent pas de l’orge, il comporte certains défauts. (...)

 

Les sucres céréaliers et adjuvants fermentescibles

Bien que certains brasseurs utilisent des adjuvants fermentescibles, c’est-à-dire des sources de sucres non céréalières, uniquement par souci d’économie, il importe de souligner que plusieurs autres le font plutôt pour relever le pourcentage d’alcool de leur bière sans que celle-ci devienne trop lourde, voire visqueuse. C’est notamment le cas d’un grand nombre de brasseurs belges qui sont friands de bières fortes et très effervescentes, mais très digestes. La Tripel en constitue l’exemple par excellence. (...)

De façon générale, les adjuvants fermentescibles ajoutés avant l’ébullition ont peu d’impact sur le profil de flaveurs final. Cette influence est d’autant plus faible si la composition chimique de l’adjuvant est simple, comme celle du sucre de table par exemple. Le dégustateur ne percevra généralement pas les flaveurs contribuées par ces sucres outre l’alcool supplémentaire. Les adjuvants plus complexes comme le sucre candi et le miel, ajoutés vers la fin de l’ébullition, ont quant à eux une influence déterminante sur les profils de saveurs de certains types de bières. En ajoutant les adjuvants fermentescibles plus tardivement, leur empreinte devient plus notable. Pensons à ces bières au sirop d’érable ou au miel. Les adjuvants fermentescibles peuvent aussi avoir un impact modéré sur la coloration de la bière. (...)

Tel que nous l’avons mentionné précédemment, outre les saveurs, les différentes céréales et adjuvants fermentescibles fournissent les sucres qui alimenteront la levure lors de la fermentation. On peut donc dire que le malt joue un rôle prépondérant dans la détermination du potentiel d’alcool de la bière. En parallèle, le malt fournit aussi le potentiel de rondeur finale de la bière. Il sera plus ou moins grand selon la proportion des sucres que la levure n’aura pas transformés. (...)

 

Le rôle du malt dans les accords bière et nourriture

À n’en point douter, le malt est un des éléments clés qui rend les harmonies entre bière et bouffe si réussies. Le malt apporte à la bière le côté céréalier qui justifie son surnom de « pain liquide ». Cette relation explique que le breuvage s’allie si naturellement aux fromages.

Par ailleurs, le malt est responsable des flaveurs caramélisées et rôties, des palettes de saveurs que d’autres boissons alcoolisées, le vin aux premières loges, peinent à explorer. Les flaveurs de caramélisation et celles attribuables aux réactions de Maillard se retrouvent partout en cuisine où la cuisson est l’étape clé de quantité de recettes. Cette réaction chimique commune aux mets de nos assiettes et au contenu de notre verre crée évidemment un large éventail de possibilités pour le sommelier qui s’ouvre au monde de la bière. Ainsi, le malt est à remercier généreusement pour les étonnantes possibilités de la bière à table. N’empêche, celui-ci a besoin d’un contrepoids face à ses frasques sucrées. L’ingrédient parfait pour remplir un tel mandat est le houblon. (...)

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